Cyberdépendance

Anglais
cyberaddiction

Synonyme(s):
cyberholism
Netaddiction
Net addiction
Netaholism
pathological Internet use PIU
Internet addiction

Entrée(s) additionnelle(s):
computer addiction

Français
cyberdépendance n. f.
État de dépendance résultant de l'utilisation répétée de l'ordinateur ou d'Internet, qui se caractérise par le besoin de continuer ou d'augmenter le temps d'utilisation du système informatique.
Note(s): Ce syndrome peut affecter les individus cyberdépendants au point de gâcher leur existence et celle de leur famille.
D'après les conclusions d'une psychologue de l'Université de Pittsburgh qui a mené un sondage auprès de 396 grands utilisateurs d'Internet, les cyberdépendants passent, en moyenne, 38 heures par semaine dans Internet, comparativement aux internautes dits « normaux » qui n'en passent que 8.
Le terme anglais cyberaddiction est à éviter en français.
Synonyme(s) :
dépendance à Internet n. f.
dépendance à l'Internet n. f.

Entrée(s) additionnelle(s):
dépendance à l'ordinateur n. f.

Terme(s) à éviter:
cyberaddiction


http://www.olf.gouv.qc.ca/ressources/bibliotheque/dictionnaires/Internet/fiches/2074984.html

 

Cyberaddiction, nouvelle
"toxicomanie sans drogues"

Résume :
L’Internet offre des multiples possibilités dans les domaines du travail, de l'éducation, ou dans la communication. Pourtant il y a des personnes qui dépassent les limites d’une connexion "normale" et qui vont dans le sens d’une conduite addictive, perdant tout contact avec la vie réelle. L'adaptation de la grille des critères de l'addiction selon le DSM-IV prouvent le bien fondé d'une telle affirmation. Les critères de l’addiction peuvent s’appliquer dans la même mesure au jeu pathologique, à l’achat compulsif, à la sexualité pathologique, le point commun de ces conduites addictives étant la perte de contrôle, la recherche de sensations et de plaisir. Dans le cas des cyberaddictifs, on assiste à une polyaddiction, somme et intrication de l’addiction à l’Internet, de la addiction communicationnelle, de la sexualité pathologique. Jusqu'à présent, les forums de discussion et les articles concernant le sujet, ont fait l’apanage des sites nord-américains l'explication étant peut-être le développement initial du Web aux USA et Canada. L'expérience des enseignants, des cliniciens, va dans le sens d'un véritable comportement addictif ayant comme objet l'Internet. Le rétablissement d’une relation "saine" à l’Internet, une meilleure intégration de la réalité virtuelle dans la vie courante, les groupes de paroles logés sur Internet, sont des solutions proposées par les addictés eux-mêmes. Une conclusion de cet article, serait la nécessité d’éducation et de prise de conscience devant l’ampleur que le Web peut prendre dans la vie des ‘consommateurs’, afin de tirer tous les profits de cet excellent moyen de communication et information.

Mots-clès :
Internet - addiction - cyberaddiction – polyaddiction - addiction communicationnelle - réalité virtuelle


Summary :
The Net offers a lot of possibilities for working, education, game and communication. But there are some persons which are overusing the net, overtaking the limits of a ‘healthy’ connexionwhich present the addiction behavior criterion, loosing all kind of control to real life. The corespondancy of the DSM-IV criterion of addiction prooves the thruthfulness of this affirmation. Someone, will reply that the addiction criterion could be applied in the same order, to gambling, buying spree or sex addiction, the common key of these addictive behaviors being the loose of control, seeking for sensations and pleasure. The cyberaddicted, presents a polyaddictive pathology, with an intrication of NetAddiction, comunication addiction and sex addiction. Till now, the IRC and the articles concerning the subject, where the exclusiveness of the north-americain or canadian authors. The experiencies of professors, clinical practioners, join the idea of an addictive behavior to the 'Web'. Restoring a ‘healthy’ relation to the Net, a better integration of the virtual reality into courant life, the IRC, are some of the solutions proposed by the cyberaddicted themselves. A conclusion of this article, is the need to educate and to be awared about the importance of the Net in our lives, in order to take advantage from this excellent communication and information tool.

Key words :
Internet - addiction - cyberaddiction – polyaddictive behavior - communicationnal addiction - virtual reality

" ..Une illusion créée par le cerveau pour se délester des actions animales et permettre au cortex de se concentrer sur ce pour quoi il a été fait. Cette illusion est vitale, mais elle n’en est pas moins une illusion. Or ce merveilleux dispositif neurogiciel recèle en lui un piège fatal. ...Ce piège s’appelle la facilité. La facilité engendre à la fois dépendance et ennui. Elle est une sorte de trou noir qui aspire inexorablement la conscience si l’on ne prend pas garde ". Maurice Dantec, Les racines du mal.

L’Internet, allie les avantages offerts par la facilité de communication sans frontières et sans limites, par la convivialité de travail, la qualité, la précision et la rapidité des moyens de recherche, l’étendue de ses réseaux, mais aussi d’un espace ludique interactif et d’un moyen sans précèdent en terme d’accessibilité. Le plus attrayant, reste le développement du monde virtuel, qui se mélange avec le monde réel, avec la représentation du monde de l’imaginaire. La question qui se pose, est de savoir s'il y a complémentarité entre les deux mondes, plus précisément si le monde virtuel n’est pas en train de se substituer à l’autre et d’apparaître effectivement plus disponible, plus facile à vivre et à supporter que le monde réel.

Comme le dit J.G.Ballard "cela représente le plus grand événement dans l’évolution de l’humanité. Pour la première fois, l’espèce humaine sera capable de nier la réalité et de substituer sa vision préférée ".

Actuellement, l’Internet est devenu plus qu’une grande base de données, plus qu’un moyen fiable et de qualité permettant des communications rapides en temps réel. Par sa facilité d’accès, par sa connotation scientifique et la note d’acceptation sociale qui l’accompagne, l’Internet devient facilement objet d’abus (Kathleen Scherer, University of Texas - Austin).

Dans les données scientifiques provenant d’outre-Atlantique, on parle de plus en plus des cybériens, des cyberaddictifs - ces ‘accros’ de la connexion et de la communication, ces drogués du virtuel qui passe des heures et des heures on-line, afin de visiter et d’habiter le plus longtemps possible la communauté virtuelle, le Cyberland, expression idéalisée du village planétaire de Marshall McLuhan.

Du point de vue des classifications actuelles, le DSM-IV et le CIM-10, les troubles addictifs des toxicomanies sans drogues, l'addiction sexuelle, le jeu pathologique, l'achat compulsif, sont mal répertoriés. On les retrouvent dans des sous-classes comme les "Troubles du contrôle des impulsions", "Troubles du contrôle des impulsions non-spécifié ailleurs" ou "Autres troubles des habitudes et des impulsions".

C'est Otto Fenichel en premier (1949), qui a soulevé la question des " toxicomanies sans drogues ". Depuis, plusieurs auteurs ont traité le sujet, certains préférant de garder le terme addiction pour les toxicomanies aux différentes substances psychoactives – Walker en 1989, Rachlin en 1990.

Pour certains auteurs, les critères similaires peuvent être appliqués aux troubles du comportement alimentaire - Lacey en 1993, aux jeux pathologique - Griffiths en 1991 ou Valleur en 1997, aux jeux vidéo - Keepers en 1990.
Actuellement le concept d'Internet Addiction - impliquant la présence de plusieurs critères DSM IV de l'addiction - est reconnu par plusieurs spécialistes (Brenner, 1996; Griffiths, 1997; Scherer, 1996; Véléa, 1997 ; Young, 1996).

Les cyberdépendants, sont des gens qui dans leurs efforts de combler un vide identificatoire, se heurtent aux obstacles souvent imaginaires, avec des combats qu’ils estiment perdus d’avance ou sans intérêts, situations qui vont engendrer inévitablement des frustrations, des phénomènes anxieux, des troubles de comportements. C’est à la recherche d’un refuge, d'une échappatoire à la réalité, que cette tendance à s’extraire au contexte réel pourrait devenir l’une des motivations intimes des conduites des cyberdépendants. Le groupe des cybériens, essaie de retrouver une famille en tant que milieu affectif privilégié ou les thèmes cosmiques, érotiques et sensuelles sont prépondérants.

Le remplacement du réel par le virtuel est la seule manière concevable de vivre. Selon le psychiatre américain, Ivan K. Goldberg : " l’Addiction Internet, peut déterminer la négation ou l’évitement d’autres problèmes de la vie courante ".

La conduite addictive, traduit l’immaturité socio-affective qui détermine l’impossibilité de se construire une identité psychosociale véritable, solide. La situation est amplifiée par la coexistence d’un sentiment de non-valeur personnel, de non-reconnaissance. Ils ont le sentiment d’être seuls, isolés, incomplets narcissiquement, état qui les amènent à investir et accorder un potentiel narcissique réparateur de leur angoisse prédépressive, aux différents objets et situations qui pourront engendrer par la suite différentes conduites addictives (voir aussi en annexe).


Critères diagnostiques de la personnalité dépendante DSM IV

Besoin général et excessif d’être pris en charge, qui conduit à un comportement soumis et à une peur de la séparation, qui apparaît au début de l’âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins cinq des manifestations suivantes :

le sujet a du mal à prendre des décisions dans la vie courante sans être rassuré ou conseillé de manière excessive par autrui ;
a besoin que d’autres assument les responsabilités dans la plupart des domaines importants de sa vie ;
a du mal à exprimer un désaccord avec autrui de peur de perdre son soutien et son approbation ;
a du mal à initier des projets ou à faire des choses seul (par manque de confiance n son propre jugement ou en ses propres capacités plutôt que par manque de confiance et/ou d’énergie) ;
cherche à outrance à obtenir le soutien et l’appui d’autrui, au point de faire volontairement des choses désagréables ;
se sent mal à l’aise ou impuissant quand il est seul par crainte exagérée d’être incapable de se débrouiller ;
lorsqu’une relation proche se termine, cherche de manière urgente une autre relation qui puisse assurer les soins et le soutien dont il a besoin ;
est préoccupé de manière irréaliste par la crainte d’être laissé à se débrouiller tout seul.
L’apparition de ces "Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication " (NTIC), peut concourir vers un projet de conservation dans la vie éveillée, d’une forme de perception hallucinatoire comme dans le rêve. Les NTIC renvoient des stimuli visuels et auditifs, qui permettent grâce aux moyens technologiques très sophistiqués - gants, lunettes, combinaisons - de reproduire la sensation de la texture des matériaux, la température d’un objet, la sensation de poids, voire même la sensation d’avoir serrer la main d’une personne qui se trouve à des milliers de kilomètres.

L’avènement de ce nouveau monde virtuel, ne traduit pas simplement une crise profonde de la représentation, mais il touche à l’image de soi-même, modifie le sens de la finalité existentielle. Les représentations virtuelles apportent avec elles la contrainte de vivre - parfois de survivre - parmi les représentations de la réalité plutôt que dans la réalité elle-même. L’Internet, offre tous les attraits d’un monde lissé, parfaitement poli, idéalisé, d’un cadre de vie stable, protecteur. Pourtant, ce cadre de vie est en permanence dans un mouvement entropique, source de dynamisme et de mobilisation.

La description de ce nouveau monde apparaît pour la première fois dans un roman de science fiction, ‘Le Neuromancien’, W. Gibson: " le cyberespace : une hallucination consensuelle vécue quotidiennement en toute légalité par des dizaines de millions d’opérateurs. Une complexité impensable. Des traits de lumière disposés dans le non-espace de l’esprit, des mas et des constellations de données".

La conduite addictive ayant comme objet l’Internet, est souvent accompagnée d’une ou plusieurs autres conduites, sous forme complète ou partielle, ce qui fait penser à une problématique de type polyaddictive.

La présence en permanence du facteur communication, peut engendrer le concept de "Conversation Assistée par Ordinateur" et d’addiction communicationnelle. L’image type des cyberdépendants, est celle de personnes qui ont des difficultés de communication, qui ont une notion spatio-temporelle altérée et qui cherchent sans cesse un moyen pour exprimer leur mal de vivre. Cela pourrait être une des explications de ces longues heures passées en connexion. Selon le Dr. Jeffrey Goldsmith, directeur de l’Alcoholism Clinic - University of Cincinatti, les gens qui ont du mal à communiquer dans la vie réelle avec les autres, sont les personnes les plus susceptibles de devenir dépendantes aux possibilités de communications offertes par le Web.

Les grands cyberaddictifs internautes, répondent aux critères d’inclusion dans la catégorie des joueurs pathologiques. Certains de leurs comportements présentent ces caractères addictifs : avidité, extrême plaisir tiré de l’acte, dépendance, répétition et surtout perte de contrôle. L’état que le DSM-IV classe parmi les "Troubles du contrôle des impulsions non classés ailleurs", est caractérisé par la préoccupation pour le jeu, la tendance à augmenter la durée, l’incapacité à mettre un terme à la conduite, l’impossibilité de résister aux impulsions.

A l’origine, l’ancêtre des espaces de parole comme l’IRC – Internet Relay Chat, était le MUD (Multiple User Dungeons), une sorte de jeux de fiction qui se pratique en envoyant différents messages aux autres joueurs, afin de collaborer ou de se confronter dans un espace virtuel. A l’heure actuelle on dénombre sur Internet environ 500 sites de jeux en réseau. En France, deux sites Internet proposant des jeux virtuels semblent susceptibles de développer une addiction au jeu.Le premier jeu, appelé "Le Deuxième Monde", réalisé par Canal+ et Cryo, a comme objectif la création d’un laboratoire politique pour démocratie virtuelle. Le jeu consiste dans une transposition virtuelle de la ville de Paris. On peut choisir sa morphologie, la couleur de sa peau, son identité, mais également son logement, avec la possibilité de le personnaliser. Les joueurs ‘citoyens’ peuvent se rencontrer, organiser des visites et des discussions entre eux. Ce qui semble intéressant, c’est la possibilité de vote électronique installée sur le Web, les ‘citoyens’ étant appelés à décider eux-mêmes du sort de ce monde virtuel.
Le deuxième jeu, "LePalace", proposent des cadres de vie virtuelle, des échanges entre des joueurs qui peuvent choisir également leurs apparences, des situations et des tableaux de vie virtuels. Ce genre de jeux, apparu depuis longtemps aux Etats-Unis, mêlant la fiction, la virtualité, le ludique, a crée déjà des ‘aficionados’, des inconditionnels qui vivent dans cet espace, qui ne communiquent que dans le cadre des IRC qui leurs sont dédiés, leurs manières de vie étant conditionnées par le jeu qui les occupent la plupart de leurs temps.
L’achat compulsif est un comportement permanent ou intermittent, caractérisé par une irrésistible envie d’acheter, une tension avant le comportement et sa résolution par la réalisation d’achats. Ce qui est plus ou moins spécifique pour ce genre de comportement, c’est l’acte d’acheter par rapport à la simple possession de l’objet.
La place de ce comportement addictif dans un essai de présentation de la cyberaddiction, semble justifié par le fait que l’Internet offre une facilité immense pour effectuer des achats, avec une composante nouvelle : l’achat en direct. Cela a engendré aux Etats-Unis un véritable fléau social, appelé buying spree - frénésie d’acheter.
Il semble important de souligner le rapport qui s’établit actuellement entre notre société, qui est par définition une société de consommation, qui provoque et impulse les gens à acheter par le biais de la publicité et de la politique de marketing, et l’individu, incapable de résister à une mise en acte impulsive d’un désir socialement stimulé. Le nombre important des cyber-consommateurs doit nous questionner. A ce titre, "Le Deuxième Monde", contient à tous les coins de rue des affiches publicitaires et offre la possibilité des visites virtuelles dans des espaces commerciaux qui peuvent se solder par des achats on-line. Ceux-ci sont bien réels cette fois-ci, et payés avec de l’argent réel.

Dans l’article de Ph. Spoljar, j’ai trouvé une notion très intéressante, celles de "Sexualité Assistée par Ordinateur", capable selon l’auteur d’effacer les frontières entre masturbation et rapport sexuel. P. Virilio, utilise le terme de cybersexualité : "on invente une perspective nouvelle, la perspective du toucher, qui permet une sexualité à distance, la télécopulation. L’événement est inouï : jusqu’alors on n’avait jamais pu toucher à distance. Or aujourd’hui, à des milliers de kilomètres je peux non seulement toucher avec des gants de données, mais avec une combinaison spéciale je peux faire l’amour à une fille à Tokyo, ses impulsions m’étant transmises par des capteurs me permettant de faire jouir et de jouir moi-même".
Pour le cybernaute présentant un comportement addictif sexuel, l’univers sans barrières et sans limites de l’Internet, lui offre le choix et la possibilité d’accéder à ses pulsions et à ses fantasmes les plus intimes.

Depuis les années soixante-dix, les chercheurs nord-américains se sont intéressés de près au monde virtuel offert par l’informatique et ses extensions. Les chercheurs de l’équipe de Timothy Leary, à l’époque directeur du Harvard Psychedelic Drug Research Program, ont essayés d’explorer ce nouveau monde et le microsystème qui prend naissance en dehors des normes et des sentiers battus. John Lilly, jeune et brillant chercheur, écrit en 1972 une monographie sur le cerveau en tant qu’unité de stockage de toutes les bases d’informations contenant le savoir et les connaissances du monde - " Programming and Meta-Programming in the Human Bio-Computer ". Cette étude, d’un contenu purement scientifique, est passée presque inaperçue dans les milieux universitaires, son auteur étant assimilé par certains à un jeune espoir de la science-fiction. Dans l’article cité, Timothy Leary, établit une liaison entre l’invention de la typographie par Gutenberg en 1456 et l’apparition du Personal Book et l’invention de Steve Jobs et Steven Wozniak - celle du Personnel Computer, avec la constatation que l’apparition du livre personnel et de l’ordinateur individuel a généré le passage à un niveau supérieur de la conscience humaine - qui acquiert un accès de qualité aux connaissances du monde, avec une vélocité, une possibilité de partage et de liaison extraordinaire - source d’une révolution dans la société. Pour lui, le problème de la cyberaddiction s’inscrit dans un processus d’évolution symbiotique, interactive avec le microsystème formé par l’homme et l’outil informatique. Dans ce processus, certains individus se relèvent incapables de décrocher du monde virtuel, incapables de vivre sans l’échange continue de signaux électroniques entre leur cerveau et l’ordinateur.

La collaboration et l'intrication entre l'homme et sa machine hypercybernetique, dotée de la parole et d'une intelligence artificielle, qui possède une indépendance d'analyse conférant un pouvoir propre d'action et de décision, ont déjà été mentionnées par les auteurs de science-fiction.

Les nouvelles recherches et projets sur le développement de l’intelligence artificielle, vont ouvrir au monde cybernétique des perspectives inimaginables, avec des conséquences sur le progrès des sciences, sur les réalisations en tout genre dans le domaine de l’électronique industrielle, mais aussi dans la domotique, dans les loisirs et l’exploration du monde virtuel.

Pour les cyberaddictifs, cela représentera un grand carrefour dans leurs habitudes, cette nouvelle prouesse technologique étant de nature à changer leurs représentations sur le monde virtuel, qui est déjà de nos jours, leur seul centre d’intérêt. Ce concept de réalité virtuelle dépasse actuellement les sphères de la science-fiction ; l’apparition des outils hypersophistiqués, font penser au réalisme et à la capacité d’anthologie qui déborde du texte suivant : "Une réalité virtuelle, c’est un monde crée par ordinateur qui change le sens de la pensée...L’idée des systèmes avancés de réalité virtuelle comme substituts futurs du sexe, des drogues s'est le nouvel apanage de la science fiction moderne, de l’écriture cybernétique " - Bart Kosko ( Fuzzy Thinking, 1993).

Au début des années quatre-vingt-dix, avec le développement des techniques du multimédia et surtout avec la montée du Web, les universités américaines ont pu constater, avec une réelle inquiétude, le nombre grandissant des jeunes étudiants présentant les signes de cette nouvelle forme de comportement addictif : la cyberdépendance. Les articles traitant de ce sujet sont peu nombreux aussi bien sur le vieux continent, qu’aux Etats-Unis ou Canada, bien que dans ces pays, des associations et des universités ont des programmes de recherche très avancés dans le domaine des conduites addictives.

Les enquêtes publiées aux USA par les enseignants du cycle universitaire, font part des cas concrets, répondant à tous les critères de classification des dépendances. Ainsi, une association d’aide aux cyberdépendants crée par le psychiatre nord-américain Ivan K. Goldberg, affiche dans sa page d’information sur le Web les critères typiques de l'Internet Addiction Disorders (IAD), critères qui sont calqués sur ceux de la DSM-IV. La dépendance est manifeste dans le cas d’une utilisation disproportionnée, mal adaptée de l’Internet, conduisant à une perturbation définie par trois (ou plus) des critères suivants, sur une période d’au moins 12 mois :

Critères de la dépendance Internet (adaptation DSM - IV)

I. Tolérance, comme définie par une des propositions suivantes :
A. une augmentation progressive, marquée du temps passé en connexion, afin d’obtenir satisfaction.
B. une diminution marquée de l’effet, si le temps passé pour la connexion Internet est toujours le même.
II. Syndrome de manque, manifesté par l’une des propositions suivantes :
A. le syndrome classique de manque
1. arrêt ou réduction de l’Internet qui est difficile à supporter et semble prolongé
2. deux ou plus des propositions suivantes, d’apparition après plusieurs jours jusqu'à un mois par rapport au critère 1.
a.agitation psychomotrice
b.fantasmes et rêves au sujet de l’Internet
c.des mouvements anormaux et involontaires des doigts de la main


3. les symptômes du critère B génèrent un dysfonctionnement d’ordre social, dans le travail ou d'autres domaines importants
B. l’utilisation d’Internet ou d’un service similaire on-line, est en mesure d’effacer ou d’éviter les symptômes du syndrome de manque.
III. L’accès à l’Internet est réalisé presque toujours, plus longtemps et plus souvent, que dans l’intention initiale.
IV. Il existe un désir permanent ou des efforts sans succès d’arrêter la connexion ou de contrôler l’usage de l’Internet.
V.Une grande partie de son temps libre est passée dans des activités concernant l’usage de l’Internet (achats de livres spécialisés, essai sans arrêt des nouveaux moteurs de recherche, la recherche de nouveaux providers...)
VI. Les activités sociales, les hobbies, les activités récréatives, sont réduites ou abandonnées à cause de l’utilisation de l’Internet.
VII. L’usage de l’Internet persiste, en dépit de la prise de conscience sur les problèmes sociaux, occupationnels, relationnels et psychologiques, occasionnés ou entretenus par l’emploi de l’Internet (privation de sommeil, difficultés de couple, retard dans les rendez-vous, surtout matinaux, négligemment des activités habituelles, ou sentiment d’abandon de la part des proches).

Dans le groupe de parole et d’aide on-line du site IAD, se trouve aussi un espace d’auto-évaluation de son degré de cyberdépendance et de la motivation pour en finir avec cette dépendance.

La Société Américaine de Psychologie, a présentée une étude réalisée par Kimberly Young, Université de Pittsburgh-Bradford, portant sur 396 hommes et femmes, qui se connectent en moyenne sur Internet pendant 38 heures par semaine. L’article dresse le constat de l’existence d’une vraie addiction, qui peut détruire les relations personnelles et de travail de ces utilisateurs obsessionnels, en les amenant à la perte de leur travail et à une désinsertion socio-professionnelle. Les personnes atteintes des conduites addictives rapportées à l’Internet, ne sont pas des "ados farfelus", mais la plupart sont d’âge moyen, donnant l’impression d’être au sommet de leurs rendements et capacités. Les grands usagers on-line, présentent tous les critères psychiatriques du DSM-IV applicables aux alcooliques et aux grands toxicomanes. Les dialogues et les thérapies arrivent à déceler, par rapport aux descriptions des sensations ressenties, trois aspects prédominant :

l’idée de communauté - rencontrer des " amis " on-line
les fantasmes - l’adoption des nouvelles personnalités et les fantaisies sexuelles
le pouvoir - l’accès instantané à l’information et vers des nouvelles personnes.
David Brocato, animateur d’espace de conversation IRC sur le thème des comportements addictifs, pensait avoir affaire aux alcooliques et toxicomanes classiques, mais il découvre que la plupart des gens qui rentrent dans le cercle de conversation, expriment une problématique liée à " l’Internet Addiction". Ainsi, une de ces personnes, raconte comment elle a perdu son travail et comment sa vie familiale a été détruite, la seule occupation capable de l’accaparer pendant des heures étant la connexion on-line et la participation au groupes de paroles. L’animateur lui demande alors s’il est prêt à lui renvoyer son modem (le moyen de connexion entre l’ordinateur et le service Internet, via les voies de transmission téléphoniques). La réponse tombe instantanément: ABSOLUMENT PAS , puis en se déconnectant, la personne met fin à la conversation.

Ce cas rassemble beaucoup aux situations qu’on rencontre généralement dans la pratique quotidienne avec les toxicomanes, compte tenu des traits psychologiques des sujets et des effets obtenus par la prise d’une substance psychotrope. Ces effets pourraient être une tentative de résolution d’un problème, la recherche répétitive du plaisir.

Les recherches effectuées par Zuckerman dans les années soixante, essaient d’établir un lien entre les phénomènes d’activation psychique et la recherche de sensations. Celle-ci correspond au besoin d’expériences nouvelles, complexes et variées et à la volonté de prendre des risques physiques et sociaux dans le but d’obtenir et de maintenir un niveau optimal élevé d’activation cérébrale.

L’échelle de recherche de sensations, - Sensation Seeker Scale - (SSS), comporte quatre facteurs qui définissent ce phénomène :

1. recherche de danger/aventure - attrait pour les sports et les conduites à risques, impliquant vitesse et danger.
2. recherche d’expérience - attrait pour des activités intellectuelles ou sensorielles.
3. desinhibition - attrait pour la boisson, l’alcool, les excès sexuels.
4. susceptibilité à l’ennui.
Il existe une relation étroite - mais non-spécifique et non-exclusive - entre addictions et recherche de sensations.

Une étude réalisée par Bridget Murray, enseignante dans une grande école américaine, analyse le phénomène des conversations on-line sur l’Internet Relay Chat - l’IRC -, moyens de conversation en ligne et en temps réel par l’intermède d’un groupe de discussion. L’accès est libre, conditionné par le simple choix d’un pseudonyme - garantissant un anonymat total. Son créateur, le finlandais Jarkko Oikarinen, lui-même un ancien cyberdépendant, décrit l’IRC comme un moyen de conversation envoûtant, accaparant, vecteur d’une fausse socialisation. L’IRC représente "une passerelle" du réel vers la "réalité virtuelle", et surtout évite le contact direct dans un ‘face-à-face’. L’emprise de ce moyen de communication est immense sur certains des cyberaddictifs, capables de résister devant leur écran et clavier pendant des longues heures, afin de pouvoir communiquer avec d’autres passionnés, presque toujours dans le détriment de leur vie sociale, familiale, professionnelle. En conclusion, l'étude souligne l’importance de ces passages artificiels, qui permettent finalement l’installation de la communication sans la contrainte d’affronter la réalité.

Pour Jonathan Kendall, University of Maryland-College Park, cette emprise est celle d’un "vide descendant en spirale, avec un fort pouvoir d’aspiration". D’ailleurs, le surnom de l’Internet, est le Web, mot signifiant en anglais ‘toile d’araignée’. Cette toile, tissée à l’infini, peut fort bien devenir envoûtante, accaparante pour celui qui l’approche de trop près.

Ces exemples montrent la difficulté de la prise en charge des conduites addictives. Les psychologues, les médecins sont d’accord sur le fait que les cyberdépendants, chacun avec sa spécificité et sa personnalité, ont droit à un regard différent, à une approche thérapeutique adaptée au cas par cas. L’expérience confirme que l’étape la plus importante dans le déclenchement d’une prise en charge et qui aura les meilleures chances d’aboutissement, passe d’abord par la reconnaissance de sa dépendance.

Une partie des thérapeutes, considère que les thérapies les mieux adaptées sont les psychothérapies de type analytiques, qui utilisent comme support principal le langage verbal en tant qu’expression sonore de la pensée. Un tel langage doit être réhabilité dans sa fonctionnalité. La fonction de penser, qui est dans le cas des cyberaddictifs plus importante que l’expression orale, doit être investie afin d’aboutir à la restauration de la parole. Nouer ou renouer des liens de solidarité et d’entraide, rétablir des relations humaines, aidera les gens à parler d’eux-mêmes et de leurs problèmes.

Pour certains, il faut soutenir les sujets afin de gérer leurs comportements en les aidant à prendre conscience des facteurs qui contribuent à l’apparition de l’addiction (réactions aux stress, traits de personnalité...), des effets de leurs comportements et de les aider à aménager leurs réponses d’une manière plus pertinente. La resocialisation des sujets peut se faire par la mise en place des groupes de paroles directes, en ‘face à face’, en associant des ex-internautes dépendants, avec un suivi au long cours. Cela implique également un réseau d’intervenants préparés à comprendre leur mode particulier de relation aux objets.

Sur ce sujet, les expériences nord-américaines sont assez complètes, avec cependant une critique concernant la faible importance accordée à la prise en charge thérapeutique individuelle, l’accent étant mis sur les thérapies de groupe. La partie sur laquelle ils ont une avancée, c’est la mise en place de sites Internet (peut-on oser l’utilisation du terme substitution ?!) représentant des groupes de paroles à but thérapeutique, s’adressant d’une manière anonyme aux cyberdépendants. Les groupes de paroles, crées par les ex-dépendants, ou par les familles et les gens de l’entourage, ont la qualité et l’avantage de faciliter le dialogue, dans un premier temps à l’aide des groupes IRC et par la suite en encourageant les dialogues ‘face-à-face’.

Kathleen Scherer, psychologue américaine, a dirigée une session d’information et un groupe de parole dans le cadre de l’Université de Texas. L’expérience était suivie par 60 étudiants, qui ont essayé d’apprendre à contrôler leur temps de connexion dans les IRC ou dans les groupes de jeux virtuels. Cet apprentissage allait jusqu'à la suppression de leurs abonnements Internet. Pour une meilleure évaluation de cette expérience, Scherer, en collaboration avec Jane Morgan Bost, psychologue dans le Centre de Santé Mentale de Texas, a conduit une enquête de type ‘cohorte’ sur 1000 étudiants, les uns utilisateurs d’Internet, les autres non-utilisateurs. Cette enquête avait comme objectif l’établissement des formes cliniques de dépendance et les meilleures prises en charge psychothérapeutiques. Le résultat, aussi paradoxale que ce soit, souligne le rôle et l’importance des groupes de paroles IRC ayant comme thème la dépendance et l’aide on-line, mais aussi le rôle du facteur éducationnel, la seule contrainte étant celle de la capacité de faire la différence sur la valeur des sites et surtout, de bien connaître ses propres limites. Le paradoxe, est l’utilisation du facteur incriminé dans le déclenchement de la conduite addictive, en tant que moyen de lutte contre celle-ci. L’acceptation de ce moyen est réciproque, aussi par les thérapeutes que par les addictés.

Le concepteur du site Internet Stress Scale, le Dr.Orman, essaie de venir en aide avec des textes explicatifs, qui traitent les situations de stress résultant du travail sur ordinateur. La tendance de devenir dépendant à l’Internet, est testée à l’aide de neufs items. Le but, est de répondre par ‘oui’ ou par ‘non’ à ces questions, le score total obtenu illustrant le degré de dépendance ou de non-dépendance. (annexe 1). Un tel test à un côté un peu trop simpliste, qui ne tient pas compte des facteurs fragilisants, des facteurs de la personnalité ou des situations de dépressions dans lesquelles se trouvent les personnes addictées. Néanmoins, c’est un test facile à pratiquer, qui permet de démarrer une éventuelle prise en charge. En outre, il souligne d’une manière assez précise l’importance d’une meilleure gestion et d’un meilleur contrôle de son temps.

Interneters Anonymous, est un groupe d’hommes et de femmes qui partagent leurs expériences, afin de renforcer la motivation de ceux qui ont envie de retrouver une vie ‘normale’ après les comportements cyberaddictifs . Leur programme est calqué sur le modèle utilisé par les Alcooliques Anonymes, avec les douze étapes de reconnaissance de l’impuissance devant l’objet ou le sujet de l’addiction : Internet. Leur manière de rentrer en contact utilise le Web, avec une page qui contient des exemples personnels, des témoignage et les adresses d’autres personnes qui ont besoin ou qui peuvent aider. La seule condition requise dans le cadre de leur programme, est la reconnaissance sans ambiguïté de l’état de dépendance et de la perte de liberté. L’expérience et la réputation des groupes de paroles constitués sur le principe des Alcooliques Anonymes ou des Narcotiques Anonymes, donne une caution de valeur à un site de ce style. (annexe 2).

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En conclusion, on peut considérer que si la réalité clinique des addictions est un fait unanimement accepté, les nouvelles addictions - jeu pathologique, sexualité pathologique, achats compulsifs - sont encore dans la phase d’acceptation par la communauté scientifique. La difficulté principale est celle de l’établissement des critères valables de définition. Dans la classification de référence à l’heure actuelle (le DSM-IV) ces conduites figurent parmi des "Troubles du contrôle des impulsions ", catégorie pouvant englober aussi le concept d’"Internet Addiction". Ce dernier, est très peu connu dans le milieu professionnel, les quelques études faites aux Etats-Unis ou au Canada étant de date récente, avec une casuistique restreinte, les critères de l’addiction étant présents. L’expérience des médecins et psychologues qui ont effectué ces enquêtes prouvent le bien fondé de l’utilisation du terme de conduite addictive par rapport à l’usage répétitif, intensif, qui échappe à tout contrôle, par rapport aux signes de dépendance psychologique et l’existence d'un syndrome de sevrage et par rapport aux conséquences socio-professionnelles et familiales. Une des spécificités de ce problème, c’est la possibilité de rencontrer une polyaddiction, l’association entre la cyberaddiction, la sexualité assistée par ordinateur, le jeu pathologique et les conduites d’achats compulsifs, étant courante dans les troubles de comportements des personnes impliquées.

Les cyberaddictifs - ces accros de la connexion et de la communication, ces drogués du virtuel, expriment peut-être la réaction du consommateur lambda au flux d’information, au changement de la représentation et à la modification du sens de la finalité existentielle. On peut penser que le rapport à la réalité change de nature : le virtuel devient aussi réel que le réel, l’espèce humaine devenant contrainte de vivre de plus en plus dans des représentations de la réalité plutôt que dans la réalité elle-même.

Le Web avec sa toile invisible qui se répand dans l’espace planétaire, devient un lieu de refuge par excellence pour ces personnes qui n’arrivent pas à s’exprimer, pour qui la parole et le contact humain n’ont plus de valeur véritable. La négation de leurs problèmes, les poussent à se cacher derrière la ‘toile du Web’, dans la ‘réalité virtuelle’ des espaces de conférences, des IRC, des jeux en réseau, là où ils vont rencontrer les autres " cybériens ", prêts à échanger l’expression orale par la transmission de leur pensés informatisées. Toutes ces notions, liées aux mouvements continus, en évolution rapide et permanente, font du Web l’expression frappante d’un changement, d’un monde en pleine dynamique mutante, qui exhorte l’immobilisme et les représentations statiques. C’est là, un autre aspect d’Internet, qui possède une valeur symbolique intrinsèque propre, avec une connotation d’espace illimité à conquérir et peupler, qui joint la notion d’infini, mais dans le même temps est associé à un cadre protecteur.

Il faudrait se poser la question si le cyberespace pouvait un jour demander sa reconnaissance en tant qu’état, fort de 37 millions d’internautes qui ont élu domicile, qui vivent selon des normes de vie très initiatiques, d’une façon ‘artificielle’. Les échanges et les contacts sont habituellement réalisés par l’intermède des groupes de paroles virtuelles, ou dans un proche avenir, à l’aide des outils à fort potentiel virtuel, comme les gants, les combinaisons et les lunettes.

Et pourtant, l’Internet c'est le vecteur de la révolution culturelle et scientifique qui va nous aider à devenir plus performants, mieux informés, avec une qualité et une rapidité de véhiculation de l’information sans précèdent. Les étudiants, les enseignants, ont la possibilité de communiquer et de se tenir au courant à tout instant de tous les progrès ; dans le domaine des conduites addictives mêmes, l’Internet offre une base immense de données, des sites de parole et d’échange créés par des ex-addictifs, par des universités ou des associations d’entraide.

L’Internet fait partie actuellement d’une réalité ambientale, le développement futur des ‘autoroutes de l’information’ fera du ‘réseau des réseaux’ un outil très puissant au service de l’humanité.

Le réel et le virtuel ne sont plus indissociables ; ils se complètent et s’expliquent réciproquement. L’humanité doit s’efforcer de prendre en compte le besoin d’un changement dans ses rapports au réel et au virtuel, entre le monde de la réalité qui est par définition clos et un monde virtuel tourné vers l’infini, en relation avec l’imaginaire.

ttp://psydocfr.broca.inserm.fr/toxicomanies/internet_addiction/cyberaddiction.htm

 

Date: Sun, 9 Jul 1995 22:10:39 GMT (Ivan Goldberg)

La naissance du concept de dépendance à Internet.

En 1996 existait un forum sur Internet ayant comme sujet : " La psychologie de l'Internet ". Celui-ci était destiné aux psychiatres américains qui pouvaient contribuer à la réflexion sur le thème. Le Docteur Goldberg, membre de ce forum, y publia en juillet 1996 une proposition de formation d'un groupe de soutien à la dépendance à Internet (34). Dans celle-ci se trouvait une classification diagnostique inspirée du modèle des classifications américaines du manuel diagnostique et statistique des maladies mentales (DSM). L'intention avouée du Dr Goldberg était de faire une blague à ses collègues. Il avait ajouté le mot " humor " dans l'adresse de publication de sa page. La classification se présentait comme telle : Troubles dus à la dépendance à Internet : critères diagnostiques. Modèle de mauvais usage d'Internet conduisant à une détresse cliniquement significative se manifestant par trois ou plus des items suivants, apparaissant à n'importe quel moment dans un intervalle de douze mois.
(I) Tolérance, comme définie par l'un des items suivants :
(A) Besoin d'augmenter le temps passé sur Internet pour obtenir satisfaction.
(B) Diminution marquée des effets lors d'utilisation continue pour une période d'intervalle égal.
(II) Etat de manque, se manifestant par l'un des items suivants :
(A) Le syndrome d'état de manque caractéristique.
(1) A l'arrêt ou à la réduction d'une utilisation prolongée d'Internet.
(2) Avoir deux (ou plus) des items suivants, apparaissant de quelques jours à un mois après le critère 1.
(a) Agitation psychomotrice.
(b) Anxiété.
(c) Pensées obsédantes concernant ce qui se passe sur Internet.
(d) Mouvements volontaires ou involontaires de tapotement des doigts.
(3) Les symptômes du critère de diminution ou de détresse dans le fonctionnement social, occupationnel ou tout autre secteur.
(B) Utiliser Internet ou un service en ligne similaire afin de se soulager du syndrome de manque ou l'éviter.
(III) Utilisation d'Internet pour une période plus longue que prévue initialement ou nombre de connexions supérieures au nombre prévu initialement.
(IV) Désir persistant ou effort avorté d'arrêter ou de contrôler l'utilisation d'Internet. (V) Une grande quantitée de temps est passé à avoir des activités en rapport avec l'utilisation d'Internet.
(VI) Réduction ou abandon des activités sociales, occupationnelles ou récréatives à cause de l'utilisation d'Internet.
(VII) Utilisation continue d'Internet en dépit de la sensation d'avoir des problèmes récurrents de nature sociale, professionnelle, physique ou psychologique.

Outre le fait que cette classification reprend les éléments de la classification du jeu pathologique, quelques éléments indiquent sa fausseté. Deux des critères du syndrome de manque (II A 2) paraissent farfelus. Qu'à l'arrêt de l'Internet se produise un état d'agitation psychomotrice (II A 1a) est peu crédible. L'observation de " mouvements volontaires ou involontaires de tapotements des doigts ", comme si l'utilisateur continuait à taper sur son clavier lors d'un syndrome de manque, est ouvertement comique.
Pour les autres critères, il suffit de remplacer le mot Internet par jeu pathologique pour retrouver la classification d'origine. La blague concernait les personnes utilisant trop l'Internet et qu'on peut trivialement appeler " dépendantes ". L'aspect ironique d'un groupe de soutien aux Internautes dépendants se tenant sur Internet n'échappe à personne (comme tenir un meeting des alcooliques anonymes dans un bar). Ce forum étant assez fréquenté, la pseudo classification a été prise sérieusement par certains lecteurs qui avaient occulté l'absence totale d'éléments scientifiques dans son élaboration. Le concept se dissémina sur Internet de manière fulgurante mais aussi dans les médias. Les forums et sites web sur la dépendance à Internet se multiplièrent sans que la recherche sur le sujet avance. On trouve ainsi des sites d'information, de discussion, de soutien mais aussi de traitements en ligne.

As the incidence and prevalence of Internet Addiction Disorder (IAD) has been increasing exponentially, a support group, The Internet Addiction Support Group (IASG) has been established. Below are the criteria for the diagnosis of IAD and subscription information for the IASG.

Internet Addiction Disorder (IAD) - Diagnostic Criteria

A maladaptive pattern of Internet use, leading to clinically significant impairment or distress as manifested by three (or more) of the following, occurring at any time in the same 12-month period:

(I) tolerance, as defined by either of the following:

(A) A need for markedly increased amounts of time on Internet to achieve satisfaction

(B) markedly diminished effect with continued use of the same amount of time on Internet

(II) withdrawal, as manifested by either of the following

(A) the characteristic withdrawal syndrome

(1) Cessation of (or reduction) in Internet use that has been heavy and prolonged.

(2) Two (or more) of the following, developing within several days to a month after Criterion 1:

(a) psychomotor agitation
(b) anxiety
(c) obsessive thinking about what is happening on Internet
(d) fantasies or dreams about Internet
(e) voluntary or involuntary typing movements of the fingers

(3) The symptoms in Criterion 2 cause distress or impairment in social, occupational or another important area of functioning

(B) Use of Internet or a similar on-line service is engaged in to relieve or avoid withdrawal symptoms

(III) Internet is often accessed more often or for longer periods of time than was intended

(IV) There is a persistent desire or unsuccessful efforts to cut down or control Internet use

(V) A great deal of time is spent in activities related to Internet use (e.g., buying Internet books, trying out new WWW browsers, researching Internet vendors, organizing files of downloaded materials.)

(VI) Important social, occupational, or recreational activities are given up or reduced because of Internet use.

(VII) Internet use is continued despite knowledge of having a persistent or recurrent physical, social, occupational, or psychological problem that is likely to have been caused or exacerbated by Internet use (sleep deprivation, marital difficulties, lateness for early morning appointments, neglect of occupational duties, or feelings of abandonment in significant others)

http://www.cybernothing.org/jdfalk/media-coverage/archive/msg01305.html


Références bibliographiques et webliographiques

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