Anthropophagie, cannibalisme

 

Chine

Une révolution inséparable de la terreur (1927-1946)

Et cependant, quand en janvier 1928 les habitants d’un village Drapeau rouge virent arriver une troupe brandissant l’étendard écarlate, ils se rallièrent avec enthousiasme à l’un des premiers « Soviets » chinois, celui de Hai-Lu-Feng dirigé par Peng Pai…Peng Pai en profita pour établir un régime de « terreur démocratique » : le peuple entier était invité aux procès publics des « contre-révolutionnaires » presque invariablement condamnés à mort ; il participait aux exécutions en criant « tue, tue » à l’adresse des Gardes rouges occupés à découper progressivement la victime en morceaux, que parfois ils cuisaient et mangeaient, ou faisaient manger à sa famille, sous les yeux du supplicié encore vivant ; tous étaient invités aux banquets, où l’on se partageait le foie et le cœur de l’ancien propriétaire, et aux meetings, où l’orateur parlait devant une rangée de piquets coiffés de têtes fraîchement coupées. Cette fascination pour un cannibalisme de vengeance, qu’on retrouvera au Cambodge de Pol Pot, et qui correspondrait à un très ancien archétype largement répandu en Asie orientale, apparut souvent aux moments paroxystiques de l’histoire chinoise.

 

La plus grande famine de l’histoire (1959-1961)

…Et comme au Henan, les cas de cannibalisme sont nombreux (63 reconnus officiellement), en particulier au travers de « tontines », où l’on s’échange les enfants pour les manger.

Becker Jasper, Hungry ghosts : China’s secret famine, London John Murray 1996.

 

Le souvenir du Grand Bond en avant, ou comment Wei Jingsheng rompit avec le maoïsme

…Devant mes yeux, parmi les mauvaises herbes, surgit soudain une scène, qui m’avait été rapportée au cours d’un banquet [sic] : celle des familles échangeant entre elles leurs enfants pour les manger. Je distinguai clairement le visage affligé des parents mâchant la chair des enfants, contre lesquels ils avaient troqué les leurs. Les gamins chassant les papillons dans les champs situés près du village me semblaient être la réincarnation des enfants dévorés par leurs parents. Ils me faisaient pitié. Mais leurs parents me faisaient davantage pitié encore. Qui les avaient obligés à avaler, dans les larmes et la douleur des autres parents, cette chair humaine, qu’ils n’auraient jamais même dans leurs cauchemars pensé devoir goûter ? J’ai compris alors qui était ce bourreau, « tel que l’humanité, en plusieurs siècles, et la Chine, en plusieurs millénaires, n’en produit qu’un seul » : Mao Zedong et ses sectateurs, qui par leur système et leur politique criminels, avaient contraint des parents rendus fous par la faim à livrer à d’autres la chair d’autres parents pour apaiser la leur

 

L’heure de gloire des Gardes rouges

…Cette même déshumanisation, on la rencontra dès la première période de la réforme agraire en 1949 : ainsi un propriétaire terrien est attelé à un araire et contraint de labourer à force de fouet : « Tu nous as traité comme des bêtes, maintenant tu peux être notre animal ! » crient les paysans. Plusieurs millions de semblables « animaux » furent exterminés. Certains furent même mangés : 137 au moins au Guangxi, en particulier des principaux de collège, et ce avec la participation de cadres locaux du PC ; certains Gardes rouges se firent ainsi servir de la chair humaine à la cantine ; ce fut apparemment aussi le cas dans certaines administrations. Harry Wu évoque un exécuté du laogai en 1970, dont un agent de la Sécurité dévore la cervelle : il avait – crime sans pareil – osé écrire : « Renversez le président Mao. »

 

Tibet : génocide sur le toit du monde ?

…Les conditions de détention – froid, faim, chaleur extrême – semblent avoir été dans l’ensemble effroyables, et on mentionne tant l’exécution de détenus refusant de dénoncer l’idée d’un Tibet indépendant que des cas de cannibalisme entre prisonniers lors de la famine du Grand Bond.

 

Corée du Nord

Les récits de cannibalisme sont plus choquants. Ils font souvent penser à ceux véhiculés pendant la famine chinoise. Pendant l’hiver 1996 – 97, d’après de nombreux récits, des villageois des bords du Tumen en seraient venus se tailler des morceaux de chair sur des cadavres abandonnés par leurs proches, parce que ces derniers étaient trop faibles pour les ensevelir dans le sol durci.

Un ancien officier nord-coréen, passé en Chine avec sa famille en septembre 1997, originaire des rives du fleuve Tumen, a vu dans son village une exécution pour cannibalisme.

« La faim rend fou. Certains peuvent aller jusqu’à tuer et manger leurs propres bébés, dit-il, et ce genre d’événements se produit dans beaucoup d’endroits. » Un paysan coréen de Chine, de retour d’un voyage de 4 jours pour apporter du grain à sa famille, partage cette opinion. « On entend beaucoup d’histoires de cannibalisme là-bas. Dans le village de ma famille, on m’a raconté qu’un homme a été pris et fusillé, après qu’on a trouvé une tête sans corps dans sa maison. »

Un Nord-Coréen de Wonson, port de la côte orientale, affirme que, dans sa propre ville, un couple a été exécuté en public au mois de mai : selon les autorités, ils avaient assassiné 50 enfants, puis stocké et salé leur chair dans un abri de jardin.

« De nombreux petits enfants abandonnés errent et se nourrissent de détritus », dit cet interlocuteur.

Selon une autre, au mois de novembre, deux frères, pris en train de vendre ouvertement de la chair humaine, ont été exécutés à Musan, ville minière située au bord du fleuve Tumen.

Une Coréenne chinoise, qui traverse souvent pour affaires, dit qu’elle a entendu parler d’une femme exécutée, en août dernier, pour avoir assassiné 18 enfants à Hamhung, ville portuaire de l’Ouest.

 

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